Alpha Traduction et Interprétation termine sa rétrospective de l’année écoulée par une avancée significative pour les langues autochtones. En octobre 2024, Google annonçait l’ajout de l'inuktitut, parlé par presque 40 000 personnes, à son service de traduction. Revenons ensemble sur cette première pour les langues autochtones au Canada et l'importance de leur accessibilité dans le monde numérique.
Cet ajout de l’inuktitut s'inscrit dans le cadre d'une initiative de Google Traduction visant à inclure 1 000 des langues les plus parlées dans le monde sur sa plateforme. Mais le nombre de locuteurs suffit-il à l’intégration ?
Pour intégrer une langue à son service de traduction, Google ne se limite pas aux seules données de sa popularité. Isaac Caswell, ingénieur senior de Google Traduction et fondateur du projet, explique que la disponibilité de données textuelles en ligne en quantité suffisante est nécessaire au développement d’un modèle linguistique fiable.
Par exemple, d'autres langues autochtones comme le cri - pourtant parlée par près de 86 000 personnes - n'a pas encore été ajoutée, faute d’un corpus suffisant.
À contrario, l'inuktitut bénéficie d’une communauté très active sur internet. Le nombre suffisant de données de qualité a rendu son intégration possible : « Nous évitons d'intégrer des langues si le résultat produit par le modèle risque d'être imprécis ou incohérent », précise Isaac Caswell.
À la tête de Tusaajiit Translations, Suzie Napayok-Short indique raconte qu’elle n’est pourtant pas préoccupée par l’impact de cette nouvelle addition sur son travail de traduction et d’interprétation : « On peut l’utiliser pour un mot ou deux, mais la structure de l’inuktitut est tellement différente de celle de l’anglais que je ne pense pas qu’elle puisse jamais véritablement être automatisée en une vraie traduction ».
L'ajout de l'inuktitut à Google Traduction n'aurait pas été possible sans une étroite collaboration avec les communautés qui la parlent.
Un grand nombre de documents traduits professionnellement issus des délibérations du gouvernement du Nunavut étaient disponibles en ligne.
Une fois le modèle de base établit, Caswell et un collègue ont fait appel à l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), l’organisation nationale qui représente les intérêts des Inuit au Canada, pour obtenir des retours sur la qualité des traductions.
ITK a également mis à disposition une base de caractères commune permettant de représenter les différents dialectes de l'inuktitut à travers ses deux systèmes d'écriture, en syllabique et en latin.
« Sans leur contribution, nous aurions probablement limité le modèle à un seul système d'écriture, ce qui aurait été préjudiciable à certains projets communautaires », affirme Isaac Caswell.
De moins en moins d'Inuit ont l'inuktitut comme langue maternelle - au profit de l’anglais - selon Statistique Canada. Au point où bien des aînés peinent à communiquer avec les jeunes générations. Des efforts sont mis en œuvre depuis plusieurs années pour renverser la tendance.
L'ajout de l'inuktitut à une plateforme aussi populaire que Google Traduction est donc salué comme un tournant majeur pour la promotion et la préservation des langues inuit.
Cette avancée s’inscrit également dans une tendance plus large, avec des entreprises comme Meta (Facebook) et Microsoft Translator qui ont déjà intégré l’inuktitut - une variante de l’inuit - sur leurs plateformes respectives.
Ces efforts participent à la mise en valeur des cultures autochtones et à la reconnaissance de leur importance dans le patrimoine mondial.
Il est toujours bon de rappeler qu’une langue s’accompagne d’une histoire, d’une culture, d’une riche tradition et, pour ainsi dire, d’une âme. Ainsi, une langue qui se perd est toujours un fait profondément inquiétant.
Cette initiative ouvre donc la voie à l’intégration de nouvelles langues autochtones, bien que le chemin reste semé d’embûches techniques et humaines.
Pour les Inuit et locuteurs de l’inuktitut, cette avancée symbolise une reconnaissance et une occasion d’échanges culturels dans un monde de plus en plus connecté.